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Les origines du roman
L’action se déroule en Provence en 1685. Le roi de Prusse invite les paysans huguenots français, durement éprouvés par les guerres et les épidémies de peste, à émigrer dans le Brandebourg. C’est le cas de Théodore Bouvier.
Sa nièce par contre, Louise, orpheline d’Augustin, disparu dans les guerres de religion, survit tant bien que mal dans son village natal, Fourcassières, en Provence.
Pour se reconnaître dans l’Histoire au fil des générations, chacune des familles, allemande comme française, possède une pièce d’or : un écu François 1er au soleil, uniquement transmis de mère à fille.
Les deux familles Bouvier auraient pu vivre ainsi très longtemps séparées l’une de l’autre par le Rhin.
Si ce n’est qu’en 1943, un chef d’orchestre allemand débarque à Fourcassières sans crier gare. Au début du siècle, son père, Séraphin Bouvier avait fréquenté ce même village provençal où il avait creusé un puits.
Mais le puisatier avait disparu peu de temps après avoir découvert dans une galerie une caissette remplie de pièces romaines en bronze. Ainsi en attestaient les nombreux courriers adressés aux siens, accompagnés de deux exemplaires des pièces découvertes.
À écouter la quantité extraordinaire d’informations distillées au fur et à mesure des rencontres avec le chef d’orchestre, tout le village s’inquiète et surtout les deux premiers adjoints au maire, Jules Roy et Jos Gassin. La rigueur et la justesse de ses propos qu’il entretient dans ses conversations impressionnent ces deux grandes gueules passionnées de courses en montagne et de vin rouge.
Que cherche-t-il au juste ? Son père ? Les pièces romaines ? Il sait qu’il a frappé à la bonne porte quand il découvre dans la vitrine de Jules Roy le second écu d’or François 1er au soleil de la famille Bouvier.
Les faits historiques et leur emprise sur l’écriture.
Contournement du récit
« Les héritières de Provence » aurait pu s’inscrire dans la tradition des romans populaires et familiaux, bien assis sur un fond historique authentique si les cadres humains n’avaient pas entrainé avec eux la métamorphose de tous les paramètres qui constituent la charpente traditionnelle et émotionnelle de ce genre de roman : comportementaux, générationnels, sociétaux, philosophiques et surtout philanthropiques.
Certes le chef d’orchestre se sert de ce fait historique ─ l’émigration d’une partie de la famille Bouvier et la disparition de son père ─ pour déstabiliser les deux notables du village, Jules Roy et Jos Gassin, surtout Jules Roy avec cette histoire de puits. Mais il en sait davantage et va aller encore plus loin.
La transmission
Cette nouvelle quête historique revêt une importance capitale. Visiblement les données du chef d’orchestre deviennent le fil rouge de cet autre aspect du roman.
D’où la question : que lui a vraiment raconté son père à l’époque où il creusait le puits, hormis la découverte des pièces de bronze ? Où veut-il en venir ? Qu’a fait son père de si extraordinaire ? On descend encore d’une génération. Les personnages de l’acte 1 sont relégués au second plan, même si l’auteur conserve néanmoins à sa disposition quelques mannettes, mais si peu en définitive.
D’ailleurs, la citation d’Antoine de Saint-Exupéry l’annonce on ne peut plus clairement : « L’homme se découvre quand il se mesure à l’obstacle » peu importe les circonstances.
Cette citation reste vivace tout au long de la lecture parce que les deux hommes, même assis l’un en face de l’autre autour d’un verre sont ennemis. L’un dispose de la force, l’autre non. Nous sommes en 1943, ne l’oublions pas !
La transmission des données familiales, même si elles vont nuire à Jules Roy, amène le teuton à lui dévoiler un secret que tout le monde croyait enfoui, à réévaluer ce que tout le village croyait enterré. Jules Roy se trouve véritablement bousculé, complètement abasourdi. Une autre histoire le rattrape au moment où il s’y attend le moins.
Si le chef d’orchestre demande des comptes aux deux entités au sujet de la disparition de son père, il dévoile à Jules Roy que l’enfant qu’il a reconnue, Élisabeth, est bien la fille de Séraphin Bouvier.
Et si les deux degrés de l’histoire, la disparition de Séraphin Bouvier et la paternité de Séraphin Bouvier étaient liées ?
Au fur et à mesure de l’avancement de l’écriture, et c’est là le dernier aspect du livre, ce nouveau fond historique rejaillit sur les nouvelles générations, sans leur faire de mal bien sûr. Mais il redessine à lui tout seul un monde nouveau, en paix pourquoi pas, autour de ce qui a été une simple rencontre d’hommes.
Au final, que serait-il advenu de ces pages si Élisabeth, la fille de Jules Roy et Mone sa petite-fille, n’avaient pas transmis à leur tour à leur descendance ces deux pièces d’or et le secret de Jules Roy ?